Les élèves de l’ECH en formation pour Devenir hypnothérapeutes réalisent un mémoire de fin de formation sur une thématique qu’ils ont choisie.
Voici la synthèse du mémoire réalisé par Salomé Parmentier en 2018
L’hypnose: un guide au fil des émotions en service d’onco-hématologie
Diplômée en juin 2016, en psychologie clinique et psychopathologie spécialisée dans le domaine médical, j’ai intégré l’équipe du service d’onco-hématalogie adulte du Grand Hôpital de l’Est Francilien de Meaux en janvier 2017. Ce service dirigé par le Docteur Fouillard, est divisé en trois secteurs: l’hôpital de jour accueillant une quinzaine de clients par jour, le secteur conventionnel ayant une capacité d’accueil de dix clients et le secteur stérile composé de huit chambres. Les affections rencontrées sont, pour une très grande majorité, des cancers du sang de types très variés. Il semble important de souligner que sous un même nom de maladie, peuvent se regrouper des réalités cliniques très différentes.
Les professionnels sont répartis en trois équipes: l’équipe administrative comptant cinq agents, l’équipe médicale composée de sept médecins et de trois internes, l’équipe paramédicale et psychologique comptant une trentaine de personnes. Cette prise en charge pluridisciplinaire est pensée pour être intégrative et globalisante. Ce fonctionnement est rendu possible grâce aux différents lieux d’échanges (réunions de synthèse, réunions pluridisciplinaires).
Mon parcours professionnel fut tortueux, à l’issue de ma première année de médecine, j’ai choisi d’intégrer la Licence Science du Vivant à Paris VI qui m’a permis, grâce à ses options, d’acquérir des connaissances tant dans le domaine des sciences que sur les théories de l’ingénierie du vivant. Toutefois, cette année universitaire m’a fait prendre conscience que les ouvertures professionnelles ne correspondaient pas entièrement à mes attentes. En effet, même si la recherche en neuroscience et en immunologie reste l’un de mes centres d’intérêt,les contacts avec des clients me manquaient. C’est pour cela que je me suis réorientée, dans des études de psychologie à l’Université. Les études en psychologie m’ont permis d’allier mon goût pour les relations humaines, à celui pour la réflexion et la rigueur d’analyse. C’est grâce aux apports de ces deux cursus qu’il m’a toujours semblé logique de travailler dans le milieu médical et plus particulièrement celui de l’oncologie. Durant ma formation à Paris VII, l’orientation psychanalytique de cette faculté est venue orienter au fur et à mesure ma pratique clinique. Albert Ciconne dans L’observation clinique reprend la définition de Didier Houzel sur l’observation psychanalytique qui, selon lui, «repose sur un cadre créant un espace d’émergence potentielle d’un inattendu. Elle ne vise pas la reproduction ou la production d’un phénomène prévu a priori par une théorie; elle s’intéresse à l’inattendu. (…)
Si l’observation expérimentale s’organise autour d’une hypothèse à confirmer, si l’intentionnalité est préalable au cadre et inscrite dans la théorie, l’observation psychanalytique, elle, ne suppose pas d’intentionnalité en soi, et son objet, est l’étude de l’intentionnalité même (consciente et inconsciente) du sujet observé.»1. Il m’a toujours semblé important de partir de cette observation psychanalytique, de me laisser saisir par cet inattendu, pour aller à la rencontre des clients, intégrer l’équipe du service d’onco-hématologie, comprendre le fonctionnement du service, et non pas venir «armée» de mes théories et faire rentrer ma clinique dans ces «normes». Toutefois, rester dans une position d’observateur risquerait de nous empêcher d’entrer dans une relation avec le client, et de nous laisser dans une position de simple descripteur d’affects et de faits.
De plus, il m’est apparu rapidement qu’il me fallait m’ouvrir à d’autres outils thérapeutiques adaptés à des prises en charge assez brèves liées au contexte hospitalier.En effet, à l’hôpital nous sommes loin du cadre thérapeutique idéal auquel se réfère souvent l’enseignement universitaire ou les formations, ce cadre où le hypnothérapeute reçoit dans son cabinet, où le client vient avec une demande. Exercer le métier de psychologue clinicienne en service d’onco-hématologie, c’est rencontrer le client dans des situations, des contextes aigus voire critiques. Le risque vital à court terme y est souvent engagé, ce qui rend les angoisses de mort omniprésentes et nous renvoie constamment à la réalité de ce qui est en train de se jouer. Nous assistons à la mise en place des mécanismes de défense face à ce voile insouciant qui nous protège et fait croire à l’homme qu’il est immortel, comme l’avance Freud «La mort propre est irreprésentable. Dans l’inconscient, chacun de nous est convaincu de son immortalité».
De plus, le diagnostic survient de façon brutale à partir, la plupart du temps, d’une «simple» prise de sang suite à une fatigue importante, des douleurs au niveau du dos, une angine longue à soigner…
La personne est alors rappelée
rapidement et l’hospitalisation suit. Cette hospitalisation a souvent lieu en milieu stérile, ce qui conduit à un enfermement du client dans une chambre seule, pour une durée difficile à établir. Cela vient renforcer les angoisses des sujets mais aussi la violence avec laquelle ils sont brusquement soustraits de leur vie. A tout cela vient s’ajouter la souffrance physique due aux effets secondaires du traitement mais également à tous les prélèvements constants (prises de sang, ponctions lombaires, prélèvements de moelle osseuse…).
Surviennent alors de nombreuses angoisses face à ce corps changeant, que les clients ne « contrôlent »
plus, habité par une maladie qu’ils ne peuvent ni voir, ni saisir.
C’est grâce à ces premiers constats que je m’interroge sur la visée de mes entretiens. Ils doivent, selon moi, permettre aux clients de venir parler d’eux sur un autre versant que sur le domaine médical. Il est important, pour moi, de les aider à formuler les interrogations souvent ressenties comme interdites, les détacher de cette guidance « aveugle » par le corps médical. Nous devons travailler avec eux leur position passive, combien de clients m’ont dit « Je suis là, j’attends, je subis, enfermé. », tout en me désignant à la fois la
chambre stérile et le pied de perfusion. Mais pour cela nous devons être capables de reconnaitre la maladie, cela veut dire ne pas la nier, ni en minimiser les conséquences, ni chercher à rassurer. Voir le client tel qu’il est, avec les bénéfices secondaires qu’il tire parfois de sa dépendance, l’agressivité et les revendications qu’il veut exprimer : admettre sa personnalité, sa souffrance, le destin qui est le sien sans en faire une victime. C’est à ces conditions que nous pouvons les amener à redevenir acteur et maitre de leur corps.
C’est dans ce contexte, encouragée par les formateurs de l’ECH, que j’ai rapidement mis en pratique mes apprentissages de la formation. Toutefois les questionnements étaient nombreux, et accompagnés d’un sentiment d’illégitimité par manque de maîtrise et de pratique. C’est dans cet état d’esprit que j’ai timidement abordé mes premières séances en utilisant l’outil de l’hypnose. Ainsi l’objectif de ce mémoire est de montrer l’apport que peut
avoir l’outil de l’hypnose dans un domaine. Nous allons dans un premier temps exposer les les facteurs de risques du cancer, puis nous ferons un point sur l’hématologie et les types de prises en charge. Puis dans une seconde partie nous aborderons les différents points clés dans l’anamnèse sur lesquels l’hypnose peut nous aider à mieux répondre à la demande du client. Il est important de souligner dès à présent que nous ne pouvons pas faire une liste
exhaustive, et que nous nous attarderons que sur les points qui nous semblent principaux et récurrents. Puis au cours d’une discussion, j’exposerai mes interrogations et remarques sur ma pratique afin de pousser plus en avant ma réflexion.